«Lucidité ou folie ? Les Journaux intimes de Benjamin Constant »

Reconnus comme un chef-d’œuvre du genre, les Journaux de Constant constituent un objet fascinant, à commencer par leur histoire éditoriale et leur présentation matérielle. Tenus entre 1804 et 1816, ces trois cahiers n’étaient pas destinés à la publication, mais ils ont été progressivement dévoilés au public. Le texte, parfois codé avec des chiffres ou des caractères grecs, se déploie sur la page proche de la forme d’un calendrier, tantôt en des notations brèves et elliptiques jusqu’à l’hermétisme, tantôt dans des réflexions développées. Constant y rapporte les tourments de sa vie sentimentale, partagée entre Germaine de Staël et Charlotte de Hardenberg, puis sa délirante passion pour Juliette Récamier ; il y note les indécisions sur ses choix d’existence, ses réflexions sur la religion et ses prises de position politique. Observateur intransigeant de soi-même, le diariste s’y montre lucide au point de cerner cette part obscure qui l’habite et qui l’amène à dire : « Ce journal est un dépôt de folies ». Entre introspection douloureuse et pensée acérée, ces fragments du quotidien expriment, dans un style incisif, les aléas de ce que Cesare Pavese a appelé le « métier de vivre ».

Jean-Marie Roulin

Professeur à l’Université de Saint-Étienne et responsable adjoint de l’« Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités » (IHRIM – CNRS), Jean-Marie Roulin a enseigné aux universités de Zurich, Lausanne et de Pennsylvanie (Philadelphie).

Ses travaux portent sur les représentations de la société, du politique et de l’histoire dans la littérature française des Lumières au Romantisme. Auteur de Chateaubriand, l’exil et la gloire (Champion, 1994), et de L’Epopée de Voltaire à Chateaubriand (Oxford, 2005), il a dirigé plusieurs ouvrages collectifs dont Adelphiques. Sœurs et frères dans la littérature française du XIXe siècle (Kimé, 2010, avec Cl. Bernard), Les Romans de la Révolution.1790-1912 (Armand Colin, 2014, avec A. Déruelle) ou Benjamin Constant, l’esprit d’une œuvre (PU de Saint-Étienne, 2018, avec E. Bordas). Il a procuré de nouvelles éditions des récits de Benjamin Constant, Adolphe et Ma vie, Amélie et Germaine, Cécile (GF, 2011). Le prix « Benjamin Constant » lui a été décerné en 2018 à Lausanne pour son édition des Journaux intimes de Constant (« Folioclassique », 2017). Il vient d’éditer le tome III de l’Histoire de la Révolution française de Jules Michelet (sous la direction de Paule Petitier), qui vient de paraître dans la « Bibliothèque de la Pléiade » (2019).

Professeur invité à l’Université de Genève, de Séoul, de Cagliari et de Melbourne (« Walter Mangold Fellow »), il a donné des conférences en France, en Suisse en Italie, aux États-Unis, en Corée ou en Australie.

Entrée libre, inscription recommandée.

Cocktail en fin de soirée.