Olivier Meuwly figure parmi les historiens renommés du Canton de Vaud. Dr en droit et ès lettres, il est l’auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages historiques sur la Suisse. Entretien en préambule à sa conférence du 26 septembre 2017 à 20.00 au Château de Coppet :

Pays de Vaud, Terre d’élection

Quels sont les personnages d’influence sur la scène politique vaudoise à l’époque de Germaine de Staël?

Olivier Meuwly: Frédéric-César de La Harpe est un personnage important mais réside à Paris, d’où il tire les ficelles et d’où il oriente la révolution de 1798. Il est en retrait durant la période de la Médiation et revient au premier plan durant le Congrès de Vienne où sa proximité du tsar Alexandre lui permet de travailler pour le maintien de l’indépendance vaudoise. Mais il peut compter sur un trio de personnalités de grande envergure en terre vaudoise: ceux que l’on appelle les « Pères de la patrie », Jules Muret, Auguste Pidou et Henri Monod. Ce dernier, proche ami de La Harpe, jouera un rôle éminent.


La réorganisation du Canton de Vaud, libéré de la tutelle bernoise, a-t-elle permis un essor significatif ?

Olivier Meuwly: Une fois créé, le canton de Vaud a un triple objectif: prouver sa capacité à se débrouiller seul, sur le plan politique, économique et militaire. Il va déployer tous ses moyens pour l’atteindre.. avec succès! Vaud s’attachera à s’afficher comme un partenaire fiable et loyal au sein de la Confédération, là aussi avec succès. Le canton de Vaud sera dès lors l’un des piliers de la Suisse entrain d’advenir.


Napoléon, l’ennemi de Germaine de Staël, est-il craint ou admiré ?

Olivier Meuwly: Napoléon est redouté partout… sauf dans le canton de Vaud. C’est Bonaparte qui, en édictant l’Acte de Médiation, a posé les bases de la Suisse fédéraliste moderne, consacrant la souveraineté vaudoise. Vaud devient un canton comme les autres, avec sa Constitution, son organisation. Les Vaudois ne l’oublieront pas.


On connait tous la célèbre phrase de Germaine de Staël  «  il faut à présent penser européen ». Elle s’opposait clairement aux égoïsmes nationaux. La classe politique du Canton de Vaud est-elle également sensible à cette question?

Olivier Meuwly: La classe politique vaudoise était surtout obsédée par la construction du Canton de Vaud comme membre souverain de la Confédération helvétique puis, à partir de la fin 1813, par la préservation de son indépendance, contestée par les Bernois. Et qui, à part Frédéric-César de La Harpe, connaissait Germaine de Staël et son oeuvre? Pas grand-monde en vérité…


Que vous inspire Germaine de Staël, en particulier son rôle de femme engagée en politique?

Olivier Meuwly: Germaine de Staël est indiscutablement la mère spirituelle du libéralisme qui émerge à son époque. Il serait passionnant de chercher dans les oeuvres de Constant et de Staël ce qui appartient en réalité à Benjamin ou à Germaine. Leur pensée s’est formée à travers  un enrichissement réciproque fascinant, dans une extraordinaire symbiose.