en préambule à sa conférence du 8 novembre 2016 au Château de Coppet :
« Il bel paese, guide de voyage ou l’histoire d’une femme »
La dualité du titre du roman Corinne ou l’Italie intrigue, que faut-il comprendre?
Le personnage de Corinne est une allégorie ou un symbole de l’Italie, l’histoire de sa vie de femme et de créatrice sert à s’interroger sur le destin d’un pays qui a été essentiel dans le devenir de l’Occident et qui, au tournant du XVIIIe au XIXe siècle, est morcelé et occupé par plusieurs puissances étrangères.
Comment jugez-vous l’influence du roman sur les contemporains de Mme de Staël? A-t-il servi comme guide de voyage ?
Le roman a été lu à travers la personnalité alors controversée de Mme de Staël, fille de Necker, opposante à Napoléon, théoricienne d’une France républicaine et d’un libéralisme moral, réformée critique envers le catholicisme. Personne n’a lu Corinne comme un simple guide de voyage.
Germaine de Staël y décrit avec passion l’effet enchanteur de la musique italienne « …de tous les beaux-arts c’est celui qui agit le plus immédiatement sur l’âme… » écrit-elle. Quelle est la source d’un tel engouement ?
Corinne est poétesse et musicienne, elle improvise sur son luth. À la différence des arts plastiques qui s’adressent à la sensualité, la musique serait un art spirituel qui parlerait directement à l’âme sans pouvoir être traduite en mots ni en images.
L’héroïne Corinne mène une vie exceptionnelle en toute liberté. La société italienne était-elle plus permissive que celle des pays voisins au début du 19e siècle ?
L’Italie est alors un pays marqué par l’emprise catholique et n’a rien de permissif, mais des coutumes comme celle du sigisbée troublent les voyageurs qui ont des difficultés à interpréter ces couples à trois. Corinne représente l’Italie, mais elle est britannique par son père, elle a fui en Italie et la liberté qu’elle revendique est plutôt une conquête personnelle.
Comment expliquez-vous la fascination qu’exerce Germaine de Staël près de deux cents ans après sa disparition ?
Nous redécouvrons aujourd’hui Germaine de Staël comme une femme qui a voulu concilier vie personnelle et vie publique, création artistique et engagement, passions amoureuses et réflexion intellectuelle, mais aussi libéralisme économique et cohésion sociale.