Conférence du 20 juin 2017

En quête de liberté

Fondation Bodmer, Cologny

 

Mesdames et Messieurs, chers amis, Coppet, creuset d’un certain esprit européen, est déplacé aujourd’hui vers un autre coin du lac où brillent aussi le sens des Lumières et la lutte contre les préjugés. La récente exposition autour de Frankenstein, organisée ici en grande partie grâce à la collaboration de notre bibliothèque universitaire d’Oxford, la Bodleian Library, a servi au passage à revenir sur Cologny comme lieu de séjour et de rencontre de grands esprits européens, tout comme la manifestation qui a suivi, consacrée à Goethe. Martina Priebe, qui nous a conviés, vous et moi, tout comme Jacques Berchtold, directeur de la Fondation Bodmer, illustrent cette ouverture. Commençons en guise d’amuse-bouche par citer une lettre rédigée par Germaine de Staël – ou Anne Louise Germaine Necker, pour lui donner son nom de jeune fille – en juillet 1791. Elle écrit alors à son mari pour lui faire part d’un petit voyage : « Je vais demain respirer un air de liberté chez mon oncle où je passerai quatre jours[1]. » Cet oncle, c’est Louis Necker de Germany (1730-1804). Le lieu où souffle l’air de liberté qu’ira respirer la jeune femme n’est autre que la résidence du Grand-Cologny, celle que l’on connaît mieux maintenant sous le nom qui lui est resté d’un propriétaire ultérieur, Martin Bodmer.

Nous y sommes réunis aujourd’hui à l’occasion d’un double anniversaire et d’une exposition pour célébrer Germaine de Staël, et Benjamin Constant de Rebecque. La première est l’une de mes fréquentations régulières depuis une quinzaine d’années, l’autre quelqu’un que je croise au détour de mes lectures. Je vais essayer pour vous de les évoquer à la lumière d’une idée clef qui les réunit – et réunit encore nombre d’entre nous – celle de la liberté. Je prendrai comme phrase liminaire un propos de Constant à la fin de sa vie, qui paraît être un résumé d’une existence qui fut sienne, mais aussi une devise qu’aurait pu adopter Germaine de Staël : « J’ai défendu toute ma vie le même principe : liberté en tout ».

Pour Staël, comme pour Constant, la conception de la liberté est associée en grande partie à l’expérience de la Révolution et des années qui ont suivi. Revenons cependant un peu en amont, à ce que furent leurs vies et à ce que l’enfance et l’éducation ont pu leur apprendre de la liberté.

 

Deux enfants des Lumières

Née en 1766, seule enfant, adulée du couple fusionnel formé par les deux Helvètes installés à Paris, Suzanne Curchod et Jacques Necker, Anne Louise Germaine, dite « Minette », a une éducation hors normes à plus d’un titre. Sa mère, docte fille de pasteur, tient à en faire un chef-d’œuvre. La fillette lit et écrit, fréquente les grands hommes du jour dans le salon de sa mère : Buffon, Thomas, Marmontel et tant d’autres. Elle apprend, selon sa cousine Albertine Necker-de Saussure, à danser, sans savoir courir, c’est-à-dire à être une dame avant d’être une petite fille. Elle aurait ainsi toujours été jeune, sans jamais avoir été enfant. Son éducation est à mi-chemin entre une grande liberté de penser où les idées sont débattues et agitées, et d’énormes contraintes. Suzanne Curchod, avant son mariage, a été une jeune femme gaie, animatrice de rencontres littéraires à Lausanne. Elle reçoit avec le joug de l’hymen une interdiction conjugale : une femme mariée se doit tout entière à son époux, selon Necker. Il lui faut réprimer ses désirs d’écrire et se limiter à des correspondances et à des notes. Cette tyrannie face à la femme qui entend publier s’étend aussi à la fille du ministre. Jacques Necker pourtant sait aussi être large d’esprit et généreux, encourager l’esprit de « Minette » à s’affranchir, s’émouvoir de ses progrès. Les deux parents sont donc un étrange mélange d’autorité et d’ouverture.

Deux lettres d’Isabelle de Charrière à Benjamin Constant disent, avec un peu de perfidie, ce que cette éducation hors normes a engendré comme créature : « Son esprit n’est pas simple ni toujours juste & son sentiment n’est que de l’esprit [ ;] avec cela vous l’admirerez si vous la voyez. Très bien comprendre, très bien répondre, s’exprimer avec grace [,] rapidité & elegance c’est assez rare pour qu’il faille l’admirer[2]. » Peu de temps après, la dame du Pontet se fait plus sévère (nous sommes en pleine Révolution quand elle formule ce constat) : « Me de Stael est quelque chose d’entierement factice, l’abbé Raynal, M. Guibert, sa mere son père l’ont faite. Peut-être si on l’eut laissé être n’eut-elle rien été, peut-être aussi eut-elle été quelquechose de plus vrai, de plus réel, de meilleur[3]. » Le propos est perfide, mais il montre bien que Staël est difficile à évaluer, qu’elle ne rentre pas dans les normes et désarçonne les contemporains.

Si une petite dépression à l’entrée de l’adolescence lui a valu, sur les recommandations du célèbre médecin genevois Théodore Tronchin, une ordonnance de grand air, de relâchement des obligations et des devoirs, la plupart du temps, il faut bien reconnaître que Minette s’épanouit sous le régime hors normes qui est le sien. Félicitée de cette fille qui ferait honneur à tout parent, Suzanne Necker, désarmante de sincérité, s’exclame : « Ce n’est rien […] absolument rien, à côté de ce que je voulais en faire[4]. »

Qu’en est-il de celui que Germaine de Staël surnomme « Benj » ? Benjamin Constant de Rebecque, de son côté, né à Lausanne en 1767, connaît le sort de tant d’enfants des Lumières : il est, comme son compatriote Jean-Jacques Rousseau, orphelin de naissance ou presque. Sa famille a en commun avec celle de Suzanne Curchod, d’être d’origine hugenote, arrivée en Suisse pour échapper aux persécutions subies en France. Comme Germaine de Staël, à une époque de grandes fratries, il reste enfant unique. Nous ne savons pas grand’chose de ses premières années où les familles de ses parents s’arrachent l’enfant, où il satisfait ses tuteurs, mais manque selon toute probabilité d’affection, où il rédige des brouillons de romans et des lettres à ses proches. Il suit les déplacements de son père. Son récit autobiographique, Ma Vie, le montre âgé de 20 ans, épris de liberté, s’enfuyant en Angleterre, pays qui sera synonyme, pour lui, comme pour Staël, j’y reviendrai, d’ouverture politique ; pays qui, dès cette première escapade, le révèle à lui-même, dans ses engagements intellectuels multiples, ouvre ses horizons en matière de philosophie politique et lui fait découvrir un nouvel ailleurs, entre autres par un tour à Edimbourg où il ressent un indicible sentiment de bien-être de cet affranchissement. Si la Révolution le trouve en marge des événements, à Brunswick, il ne manque de se tenir informé en lisant les gazettes et journaux, en parlant avec les voyageurs, en correspondant avec ses amis, dont bien entendu Isabelle de Charrière.

 

La Révolution : une expérience de décentrement

Lorsqu’éclate la Révolution, si Constant est donc à la périphérie, Germaine de Staël est aux premières loges, fille de Necker, homme d’Etat tour à tour adulé et conspué. Elle assiste à son renvoi et à son rappel. Elle sera au cours des mois qui suivent à Paris et en Suisse. Elle est présente lors de la Fête de la Fédération. Elle se jette à corps perdu dans les événements, éprise du bouillonnement politique dans un monde où tout semble possible. Il n’y a plus de lettres de cachet, comme celles qui pouvaient servir à enfermer les intellectuels dont les idées menaçaient le régime – et Necker a accompagné la suppression de cet instrument répressif. Les pires injustices paraissent avoir été supprimées par la fin des privilèges. Les idées d’un monde plus juste circulent. Il y a dans la mythologie personnelle staëlienne un temps de la liberté – et le terme sature sa correspondance en ces années de bouleversements et d’espérances. Ainsi qu’elle l’écrit dans ses Considérations posthumes : «  Il faut se transporter en 1789, lorsque les préjugés seuls avaient fait du mal au monde, et que la liberté non souillée était le culte de tous les esprits supérieurs. L’on concevra facilement l’enthousiasme dont on était saisi[5] ».

Il y a un temps de l’individu et un temps social. Pour Germaine de Staël, 25 ans c’est le meilleur âge d’une femme. 25 ans, c’est l’âge de la majorité sous l’Ancien Régime, encore que, pour une femme, la notion même de majorité est relative. Surtout, si nous recalculons, Germaine de Staël est née en 1766. Elle a donc 25 ans lorsque la Révolution en est à ses débuts. Elle est encore jeune mariée – depuis janvier 1786 –, mais elle a pris ses distances avec l’ennuyeux Scandinave qu’elle a épousé. On lui prête à propos de l’ambassadeur le mot d’esprit suivant : « De tous les hommes que je n’aime pas, c’est certainement mon mari que je préfère. » Elle épouse en revanche les combats de son amant, Louis de Narbonne, qu’on dit parfois fils de Louis XV et qui sera éphémère ministre de la guerre. Elle soutient à ce moment-là une monarchie constitutionnelle : le modèle anglais y invite. Avec l’apogée de ce qu’elle considère comme sa vie de jeune femme, coexiste ainsi le moment clef où la liberté paraît pouvoir se déployer.

Dans Corinne, ou l’Italie, le roman de Staël, Oswald, le héros, a l’âge de sa créatrice et se trouve à Paris au début de la Révolution. Ses propos sont marqués au coin de l’expérience de la romancière : « Je fus étonné de la simplicité, de la liberté qui régnaient dans les sociétés de Paris. Les plus grands intérêts y étaient traités sans frivolité comme sans pédanterie[6]. » On peut alors parler de tout, et tout espérer : les contraintes sautent mais la société garde alors des repères qui ont été familiers toute sa vie à la fille des Necker. Le choix semble clair, comme elle l’écrit : « Jamais nation n’a été placée entre tant de maux et tant de biens : d’un côté la famine, la banqueroute et la guerre civile ; de l’autre la paix, la liberté et la puissance[7]. » Elle sait pourtant que la France hésite à se donner les moyens de ce choix et redoute très tôt l’échec[8]. Le 16 août 1789, elle écrit avec beaucoup de prescience à Gustave III à propos de l’avenir heureux qu’elle voit poindre : « Si cette attente est trompée, il faut fuir à jamais la France. Constantinople serait un asile plus sûr qu’un pays abandonné à la liberté sans frein, c’est-à-dire au despotisme de tous[9]. »

De son côté, à la même époque, Constant projette d’écrire une réfutation des Réflexions sur la Révolution de France de l’Irlandais Burke, dont il déplore le conservatisme. Comme Germaine de Staël, il est acquis aux idéaux de 1789. Comme elle, il supporte l’opprobre d’une certaine partie du beau monde et trouve la société de Brunswick encore plus étriquée qu’avant[10]. Comme lui, dès qu’elle est hors de France, Germaine de Staël se morfond et aspire à être à Paris. En 1790, elle écrit ainsi à son époux en lui demandant le secret sur ce qu’elle révèle : « je t’avouerai que la société des Genevois m’est insupportable : leur amour de l’égalité n’est que le désir d’abaisser tout le monde, leur liberté est de l’insolence, et leurs bonnes mœurs de l’ennui. D’ailleurs les petites villes ne conviennent pas à des personnes un peu hors de la ligne ordinaire[11] ». La jeune femme s’ennuie. Elle voudrait être au centre des choses. Staël et Constant ont besoin d’une scène large pour s’épanouir et pas de la vie tranquille à laquelle d’autres aspirent dans de paisibles villes loin de l’agitation. L’attraction que la vie parisienne, en particulier sous son angle politique, exerce sur l’un et l’autre est remarquable. Ils ne sont pas les seuls de cette « génération révolution », comme on l’a parfois appelée, à la ressentir.

L’évolution par à-coups des événements engendre des inquiétudes. Germaine de Staël, en 1791, refuse d’abandonner toute espérance face aux actes des révolutionnaires : « Certainement ils ont bien défiguré la liberté, mais son nom est encore tellement respectable que ses défenseurs intéresseraient dès qu’ils seraient exposés[12]. »

Si elle voudrait passer sa vie au centre de l’action, Germaine de Staël fait aussi l’apprentissage de l’envers de la liberté : la calomnie. Elle est ainsi par exemple accusée à tort de s’être réjouie des journées d’octobre[13]. Elle est vue comme l’âme damnée de Narbonne – ce qui n’est pas entièrement faux. Elle est associée à son père dont la réputation n’est pas univoque. Elle est critiquée pour son soutien aux émigrés qu’elle accueille à bras ouverts en Suisse et pour lesquels elle se déploie avec générosité, sans s’inquiéter de savoir s’ils partagent les mêmes idées politiques qu’elle. S’esquisse une tendance selon laquelle la chasse est ouverte car elle est associée à un homme public (que ce soit Necker, Narbonne ou Constant) – et on sait combien elle souffrira des ragots et libelles dont elle fera désormais si souvent l’objet. L’avant-propos de son ouvrage De l’influence des passions (1796) évoque ses sentiments de jeune femme célèbre presque sans raison – l’essentiel de son œuvre est à venir – et objet de calomnies de gens qui ne la connaissent pas : « Condamnée à la célébrité, sans pouvoir être connue, j’éprouve le besoin de me faire juger par mes écrits. Calomniée sans cesse, et me trouvant trop peu d’importance pour me résoudre à parler de moi, j’ai dû céder à l’espoir qu’en publiant ce fruit de mes méditations, je donnerais quelque idée vraie des habitudes de ma vie et de la nature de mon caractère[14]. » Il ne faut, pas je pense, réduire cela à un simple effet de rhétorique. Staël pense qu’elle a quelque chose à dire et ne cherche pas la gloire personnelle, mais bien le bonheur du plus grand nombre.

 

Une rencontre intellectuelle : l’exécution de la reine

Alors qu’ils ont espéré plus de justice et d’ouverture, et se découvrent l’un et l’autre républicains, lors de cette période qui voit, comme l’a joliment écrit Jean Starobinski, l’invention de la liberté, le tournant de la Terreur provoque un sursaut chez Staël comme chez Constant. L’optimisme grisant des débuts de la Révolution le cède à l’effroi face à une violence déchaînée. L’un des épisodes marquants de la période est l’exécution de Marie-Antoinette. Leur révulsion à propos de la Terreur est nettement inscrite dans les réactions de Constant comme de Staël face à cet événement. Revenir rapidement sur leurs attitudes respectives permettra de montrer quels sont leurs engagements à la veille de leur rencontre.

Staël a tenté de faire servir le texte à endiguer la violence. Les Réflexions sur le procès de la Reine, écrites alors que Marie-Antoinette est à la Conciergerie et que son sort est incertain, s’inscrivent dans la lignée d’un texte de Necker, des Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI, mais avec un angle d’approche autre. Staël entend empêcher une dérive de la Révolution qu’entraînerait selon elle la mise à mort de la ci-devant souveraine. La reine serait alors exécutée pour être sortie de sa sphère. Elle aurait transgressé les limites du rôle. Elle serait traitée comme une femme politique – et Staël à son niveau subit des violences par texte interposé (je pense aux libelles et aux articles scabreux dans la presse) pour être vue comme une femme s’étant intéressée aux affaires de l’Etat. Elle se rend aussi compte que derrière Marie-Antoinette, on mettrait aussi à mort toute possibilité d’une participation des femmes à l’évolution de la république. Elle en appelle donc aux « femmes immolées toutes dans une mère si tendre, immolées toutes par l’attentat qui serait commis sur la faiblesse, par l’anéantissement de la pitié[15]. » Staël considère les émotions comme ayant un rôle à jouer dans la vie de la nation ; la pitié est une vertu à la fois privée et publique pour elle, mais aussi un rempart contre la barbarie. Elle présente donc un texte signé simplement « par une femme ». C’est un court pamphlet, éloquent, qui s’adresse aussi aux révolutionnaires dont dépend le sort de la reine : « Ah ! je veux vous implorer, soyez justes, soyez généreux envers Marie-Antoinette ; en l’immolant vous la consacrez à jamais[16]. » Staël a vu ainsi, avant même que le procès de la « veuve Capet » ait été décidé, la valeur symbolique de l’acte, celle qui explique le succès encore aujourd’hui de la figure de Marie-Antoinette.

Nous connaissons les réactions de Benjamin Constant à cette brochure, grâce aux lettres qu’il échange avec Isabelle de Charrière. La Dame du Pontet est très sévère, condamne la platitude du texte, relève des expressions qu’elle juge malhabiles et s’emporte contre celle qui la sollicite pour aider à faire libérer Lafayette… au point où son jeune ami imagine, en reprenant la terminologie de la presse la plus violente du côté des révolutionnaires, le Père Duchesne d’Hébert, une réaction : « Si j’étais folliculaire ou colporteur, je composerais ou colporterais une feuille intitulée la grande colère de Madame de Charrière contre Madame de Staehl[17] ». Il reprend les idées de sa correspondante et juge alors le texte factice. Il est à l’époque très influencé par Charrière. Le sort de Marie-Antoinette lui fait s’en éloigner et rejoindre, alors qu’il ne la connaît pas encore, les positions de Staël.

Il y a une gradation dans les réactions de Benjamin Constant lui-même face à la mise à la mort de la reine. Il commence à s’émouvoir dans les premiers jours d’octobre 1793, écrivant « Je crains bien pour la pauvre reine », une phrase dénotant cette pitié que Staël recherche. Il commence à redouter une possible exécution comme l’aboutissement d’un processus mis en évidence par la brochure de Staël, sans que nous puissions savoir dans quelle mesure sa lecture l’a influencé. Le 12 octobre, témoignant de l’intérêt qu’il entretient à distance pour tout ce qui se passe en France, il dit « tremble[r] que les papiers ne nous mandent bientôt la consommation d’un crime, le plus affreux concevable, parce que le plus inutile[18]. » Il est obsédé par la question du sort de Marie-Antoinette. Le 16 octobre, des visiteurs l’interrompent au milieu de la rédaction d’une lettre à Isabelle de Charrière : « Je suis tout stupéfait d’horreur ! Mon médecin sort d’ici. Il a eu a diner un de ses amis arrivant de Paris. Il dit que probablement la Reine, Brissot, Duperret, Carra, & deux autres sont guillotinés actuellement. » L’ami parisien du médecin était bien renseigné. En effet, le jour même, « Marie Antoinette Habsbourg Lorraine » montait à l’échafaud. Constant est atterré par la nouvelle. Elle lui paraît dénier toute humanité au peuple parisien. Il trouve que l’on a atteint un point extrême dans la cruauté avec ce qu’il appelle un « meurtre » ou un « crime ».

Staël, déjà, croit au magistère du texte, qu’elle promeut encore après la Révolution, notamment dans De la littérature, et est déçue du manque d’efficacité de son intervention dans le débat. De son côté, Constant soupire dans une lettre à Isabelle de Charrière rédigée moins d’un mois après l’exécution de la ci-devant reine (11 novembre 1793), « Comment voulez-vous qu’on écrive au milieu des têtes qui roulent ? » Il continue de lire ; un ouvrage qui aura une influence sur lui à l’époque, nous le savons par une allusion un peu cryptique dans sa correspondance, est La Constitution de la lune. Rêve politique et moral, par le Cousin-Jacques, c’est-à-dire Jacques Beffroy de Reigny, qui se présente comme un modéré. Le jeune Suisse y lit, sous la plume d’un homme courageux qui publie en France alors que les têtes roulent, des propos proches de ceux qu’il défendra, tout comme Staël ; il les rapporte dans une lettre : « On a bien vu des tyrans exécutés amonceler cadavres sur cadavres, mais on ne les a jamais vus le faire au nom de la liberté et de l’égalité, et ce qui est pis encore, ce qu’assurément la postérité ne voudra jamais croire, on ne les a jamais vus faire un crime aux malheureux des marques extérieures de leur douleur et qualifier de trahison un soupir arraché à l’excès du désespoir[19] » Condamner l’instrumentalisation de la liberté pour légitimer des crimes revient souvent sous la plume de Staël, comme de Constant, et ce jusqu’à la fin de leurs vies respectives. J’y reviendrai. Quinze jours après la lettre de Constant, Staël écrit en effet à la même correspondante, Isabelle de Charrière (le 25/11/1703) : « Quel sort cependant est réservé aux premiers amis de la liberté en France ! en relation presque avec tous, chaque jour j’éprouve une nouvelle peine[20] ». Et quelques mois plus tard, à Lavater, qui lui avait demandé ses Réflexions sur le procès de la reine, Staël écrit le 26/1/1794, faisant écho aux ultima verba prêtés à Marie-Jeanne Roland  : « Aucun acte réunît autant de caractères de barbarie que le long supplice de cette malheureuse victime. Ah ! Que d’horreurs commises au nom de la plus sainte des idées, de la liberté, et quelle notion certaine peut-il rester du juste et de l’injuste quand on a pris soin de les confondre avec tant d’art ? Je reviens sans cesse à cette France : je l’ai tant aimée[21] ».

 

Un Couple en liberté

Après leur rencontre à Lausanne, le 18 septembre 1794 à Montchoisi chez les Cazenove d’Arlens, Constant et Staël se fréquentent et très vite leur relation évolue. Ils sont marqués l’un et l’autre par ce premier contact : « J’ai trouvé ici ce soir un homme de beaucoup d’esprit qui s’appelle Benjamin Constant. Il est cousin de Rosalie, pas trop bien de figure, mais singulièrement spirituel. » écrit-elle à l’amant du moment, le Suédois régicide Ribbing. Dans Cécile, à son tour, Constant se souvient : « Je rencontrai, par un hasard qui eut sur ma vie une longue influence, la personne la plus célèbre de notre siècle, par ses écrits et par sa conversation. Je n’avais rien vu de pareil au monde. J’en devins passionnément amoureux. » Lorsqu’ils partent ensemble à Paris en mai de l’année suivante, grâce à la reconnaissance que la Suède a accordée au régime français, les engagements de Staël et de Constant en faveur de la liberté restent proches, mais, si tous les deux entendent agir, ils n’ont pas les mêmes moyens de la défendre. Cette réalité est en grande partie la conséquence de la société inégalitaire produite par la Révolution : les hommes naissent peut-être libres et égaux en droits, mais hommes et femmes ne le sont pas. Constant va pouvoir s’engager dans la vie politique activement comme représentant. Staël poursuit, quant à elle, l’écriture d’un côté et l’investissement social via son salon, selon le modèle de ses parents, de l’autre, comme manières de défendre ses idéaux. Paradoxalement, Germaine de Staël a, envers inattendu de sa privation d’engagement officiel du fait de son sexe, une forme de liberté. C’est certes une liberté dont elle paie chèrement le prix, en étant boudée par certains milieux bien-pensants et, surtout, en étant prise à parti violemment dans la presse ou même dans des caricatures et des libelles, mais c’est une possibilité de penser librement et de décider de livrer ou non ses opinions au monde. Le monde dans lequel Staël et Constant évoluent est très différent de celui de la génération précédente. Ils peuvent se réjouir de certaines libertés nouvellement acquises comme celle des théâtres ou de la presse, mais l’opinion publique est volatile.

Arrêtons-nous brièvement sur cette question de la liberté de la presse, à laquelle, ne l’oublions pas, Necker avait donné une impulsion décisive. Si Constant la défend continûment – y consacrant en 1814 une brochure de 75 pages, De la liberté des brochures, des pamphlets et des journaux considérée sous le rapport de l’intérêt du Gouvernement, Staël, quant à elle, est beaucoup plus nuancée. Elle pense que les livres doivent pouvoir être imprimés librement, mais que les journaux et libelles peuvent être très nocifs s’ils ne sont pas contrôlés. Humboldt témoigne du fait que les méchancetés de la presse à son égard faisaient parfois pleurer Staël et elle disait être prête à entendre toutes les critiques intellectuelles ou littéraires, mais ne pas supporter les jugements ad hominem – ou ad feminam, devrais-je dire, dont elle faisait l’objet. Elle soutient donc un contrôle des journaux pour protéger l’individu et sa vie privée contre des calomnies publiques. Elle est en cela assez moderne dans sa limitation d’une liberté à outrance. Comme Constant, elle aspire à un retour à l’ordre, à une modération et à l’émergence d’une république vertueuse. Comme lui, elle est prête à faire tout ce qui est en son pouvoir pour y contribuer. L’un et l’autre sont désintéressés dans leurs efforts. Tous les deux se dépensent sans compter pour ce qu’ils considèrent comme la plus importante des causes. Si, paradoxalement, Staël arrive auréolée d’une réputation équivoque, associée à son père, à Narbonne, à l’ambassadeur de Staël, Constant au contraire, que l’éloignement à la cour de Brunswick a retenu loin de l’agitation révolutionnaire, est un inconnu, quelqu’un qui, à la différence de la plupart des hommes de sa génération, attirés par les questions politiques, n’a pas à se justifier de choix faits au cours des années écoulées. Il n’a pas de casseroles, pas de réputation. C’est un sort enviable.

 

Créer une république juste

Le but du jeune couple qui se déplace entre Suisse et France, essentiellement au gré des attaques contre Staël, est simple : améliorer le sort de leurs concitoyens. Staël et Constant y travaillent de conserve. S’il écrit De la force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s’y rallier (1796), elle le soutient dans son travail. Les idées qu’il y aborde sont proches de certaines de celles qu’elle mettait en avant deux ans plus tôt dans ses Réflexions sur la paix, adressées à Mr. Pitt et aux François où elle souligne le besoin de s’unir autour d’un projet de réconciliation et de modération. Avec Constant, à Paris en 1796, Staël prépare de son côté un important traité auquel elle donne le titre : De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations. L’un et l’autre espèrent que la Constitution et le 18-Fructidor amèneront la république à laquelle ils aspirent, entre l’héritage des Lumières et l’idéal des progrès futurs. Ils doivent repartir de Paris, à cause de la réputation suspecte de Staël, et la brochure de Constant paraît à Lausanne en avril 1796, mais elle circule à Paris et elle fait de l’effet. Elle propose aux modérés de tous bords de déposer les armes et de se rallier à la république. On sait comment le régime évoluera… Staël, dans De l’influence des passions, également publié en 1796, exprime son dépit de découvrir qu’elle n’a pas eu l’impact qu’elle aurait voulu sur l’évolution du régime : « On croit influer dans les révolutions ; on croit agir, être cause, et l’on n’est jamais qu’une pierre de plus lancée par le mouvement de la grande roue[22]. » Cette image de débordement, de dépassement, Staël l’utilise ailleurs pour décrire la Révolution, mais aussi l’être dans le monde, un atome parmi les générations. Son héroïne romanesque, Delphine, le ressentira devant les chutes du Rhin, se faisant ainsi le porte-parole de sa créatrice.

Toujours soucieux de faire avancer la cause de la liberté, Constant rédige en 1797, alors qu’il est auprès de Staël en Seine-et-Oise, à l’écart de Paris où elle est mal vue, dans une propriété qui est un ancien bien national acquis par lui, une autre brochure qui défend la même ligne modérée : Des réactions politiques. Une fois de plus, le lectorat se montre avide de découvrir un texte qui répond au désir de la majorité de voir cesser les excès. L’écrivain publie quelques mois plus tard un pamphlet plus court, encore signée de lui, intitulée Des Effets de la Terreur. Pour Constant, aucun arbitraire n’est politiquement défendable : « Il ne faut jamais supposer que, dans aucune circonstance, une puissance illimitée puisse être admissible, et dans la réalité, jamais elle n’est nécessaire[23]. » Cette phrase, Staël aussi aurait pu la signer. Pour l’un comme pour l’autre, la liberté suppose des limites et doit avoir pour but unique le bien commun. Si Staël regrettera jusqu’à la fin de sa vie l’écartement de Necker du pouvoir – il aurait, pense-t-elle, pu éviter les pires dérapages de la Révolution – elle n’en pense pas moins que le sens de l’histoire demandait une avancée vers un monde plus égalitaire et plus libre. La Révolution avait donc des principes que ni Constant ni Staël ne rejette, tout en déplorant ses excès et ses échecs.

L’engagement politique actif de la jeune femme – elle a une trentaine d’années – lui vaudra des calomnies et accusations répétées. Sa visibilité comme écrivain suscitera aussi des critiques très souvent marquées au coin d’une épouvantable misogynie. Elle est considérée comme ayant transgressé toutes les limites ou presque. De la littérature annonçait le coût qu’une femme doit payer si elle veut arracher son bâillon et s’exprimer sur les matières publiques : « S’il existait une femme séduite par la célébrité de l’esprit, et qui voulût chercher à l’obtenir, combien il serait aisé de l’en détourner s’il était temps encore ! On lui montrerait à quelle affreuse destinée elle est prête à se condamner. Examinez l’ordre social, lui dirait-on, et vous verrez bientôt qu’il est tout entier armé contre une femme qui veut s’élever à la hauteur de la réputation des hommes[24]. » Elle est consciente de ce prix à payer, en souffre, mais ne renonce pas à ses combats. Le plus visible d’entre eux va l’opposer au nouvel homme fort du temps : Napoléon Bonaparte.

 

Le Problème Napoléon

Comme bien des contemporains, Constant et Staël voient – à l’instar de Necker – Bonaparte comme un homme providentiel. Il est le héros de l’Italie. Ils vont très vite déchanter, l’un et l’autre : c’est un tyran. Staël évoque le lendemain de Brumaire en évoquant « cet homme qui devait se mettre à la place de tous, et rendre l’espèce humaine anonyme, en accaparant la célébrité pour lui seul, et en empêchant tout être existant de pouvoir jamais en acquérir[25]. » Plus que Constant, dont la carrière politique a été rythmée, jusqu’à la chute de l’Empire, par des relations complexes avec l’Empereur, de son exclusion du Tribunat à sa rédaction de l’acte additionnel, Staël est vue comme l’ennemie par excellence de Napoléon. Elle est ainsi montrée comme une incarnation de l’esprit de liberté contre la tyrannie. Plusieurs ouvrages la décrivent comme la femme qui s’opposa à Napoléon. Parmi les bons mots qui circulaient, certains en font une rivale en tous points de l’homme d’Etat. Mme de Chastenay rappelle que selon ce qui se répétait dans les Salons, « Bonaparte l’avait persécutée de manière à ce qu’on dît qu’en Europe il fallait compter trois puissances : l’Angleterre, la Russie et Mme de Staël[26]. » Et Jacques de Norvins, ferme soutien de l’Empereur, mais qui avait dû sa liberté et sa survie à la fille de Necker, évoque dans ses propres mémoires, « cette femme à jamais célèbre, qui longtemps avant Napoléon avait déjà par son génie conquis une partie de l’Europe[27]. » Si Benjamin Constant, engagé dans différents mouvements politiques, n’aura jamais un profil analogue, il sera célébré, on s’en souvient, à sa mort, par des funérailles nationales.

Dans livre après livre, Staël dénonce la privation de liberté qui est le résultat du régime mis en place par Napoléon. Elle se refuse à louer l’homme fort de l’époque qui lui en tient rigueur. Elle inclut aussi des critiques de ceux qui privent les autres de leur droit de penser et de s’exprimer. Les Considérations sur la Révolution française posthumes traduisent sa souffrance : « Ce n’est pas seulement à des rigueurs sans fin qu’on s’exposait sous une tyrannie aussi persévérante, mais on ne pouvait jouir d’aucune gloire littéraire dans son pays, quand des journaux aussi multipliés que sous un gouvernement libre, et néanmoins soumis tous au même langage, vous harcelaient de leurs plaisanteries de commande[28]. » Et Constant, dans De l’Esprit de conquête et de l’usurpation, d’évoquer à propos du régime impérial une « contrefaction de la liberté » qui « réunit tous les maux de l’anarchie et tous ceux de l’esclavage. »

 

Les exigences de la liberté

Il faut savoir se dépasser. De l’Allemagne le rappelle : « il y a dans la destinée de l’homme nécessité et liberté, il faut que dans sa conduite il y ait aussi l’inspiration et la règle : rien de ce qui tient à la vertu ne peut être ni tout à fait arbitraire, ni tout à fait fixé : le seul acte de la liberté de l’homme qui atteigne toujours son but, c’est l’accomplissement du devoir. » Ou on lit encore ailleurs, sous la plume de Staël, dans ses Considérations : « Sans doute il faut des lumières pour s’élever au-dessus des préjugés, mais c’est dans l’âme aussi que les principes de la liberté sont fondés : ils font battre le cœur comme l’amour et l’amitié ; ils viennent de la nature, ils ennoblissent le caractère[29]. » A son tour, Constant écrit : « Cette liberté, en effet, est le but de toute association humaine ; sur elle s’appuie la morale publique et privée : sur elle reposent les calculs de l’industrie ».

Pour Staël, autant que pour Constant, la liberté est complexe. L’un et l’autre pensent, comme l’écrit Germaine de Staël dans ses Considérations, que la véritable liberté est le rempart ultime contre l’anarchie – pour eux, les pires bouleversements d’une Révolution qui s’est voulue fondée sur la souveraineté du peuple viennent illustrer les dérives de la non-application d’un tel principe. Les Considérations indiquent : « On peut distinguer dans le code de la liberté ce qui est fondé sur des principes invariables, et ce qui appartient à des circonstances particulières[30]. » Il faut alors distinguer liberté publique et privée. Constant écrit dans De l’esprit de conquête : « Les anciens trouvaient plus de jouissances dans leur existence publique, et ils en trouvaient moins dans leur existence privée : en conséquence, lorsqu’ils sacrifiaient la liberté individuelle à la liberté politique, ils sacrifiaient moins pour obtenir plus. Presque toutes les jouissances des modernes sont dans leur existence privée ». C’est une des raisons pour lesquelles le modèle anglais contemporain d’une monarchie constitutionnelle peut paraître plus probant que la république romaine de jadis.

C’est après la mort de Staël, en 1820, que Constant fera paraître l’un de ses grands textes, la version d’un discours prononcé l’année précédente à l’Athénée royal de Paris : De la liberté des Anciens, comparée à celle des Modernes. L’ouvrage, qui est resté célèbre, est en quelque sorte le développement de sa pensée et de celle de Staël, au cours des années. On sait que le parallèle politique est au cœur du traité De la littérature. Constant rappelle que sous l’Antiquité, on participait activement et constamment au pouvoir, alors que la liberté moderne est « la jouissance paisible de l’indépendance privée ». Liberté politique donc pour les anciens, liberté civile pour les modernes, deux formes imparfaites mais précieuses de ce à quoi il faudrait aspirer : « Ce n’est point à la liberté politique que je veux renoncer ; c’est la liberté civile que je réclame, avec d’autres formes de liberté politique. » écrit-il, songeant entre autres au système représentatif.

Il revient à plusieurs reprises sur la constance de ses idées, comme dans les Principes de politique en 1815 : « j’ai toujours professé les mêmes opinions, énoncé les mêmes vœux. Ce que je demandais alors, c’était la liberté individuelle, la liberté de la presse, l’absence de l’arbitraire, le respect pour les droits de tous. C’est là ce que je réclame aujourd’hui avec non moins de zèle et plus d’espérance. »

 

Vivre la liberté

Germaine de Staël ne cherche pas d’emblée la liberté dans son couple. Elle a eu, enfant, devant les yeux, la vision de ses parents, Suzanne Curchod et Jacques Necker, unis dans une entente qui paraît avoir été quasi fusionnelle. Son souhait en se mariant était de ne pas quitter la cellule familiale. Elle a refusé des partis plus intéressants en Angleterre ou en Allemagne juste pour ne pas avoir à s’éloigner de ses parents et de Paris. Dans un premier temps, elle fait des efforts auprès du séducteur invétéré qu’est Erik Magnus de Staël, un homme plus attiré dès le départ par les millions du banquier Necker que par celle qu’il épouse. Les échanges des premières années de mariage montrent que la jeune femme tente de faire marcher le couple, comme cette lettre du 14 mai 1789 : « malgré toute la peine que cela te fera, je suis décidée à venir ce soir souper tête-à-tête avec toi. Je sens bien que c’est dur, mais c’est assez t’avoir laissé de liberté, et je pense qu’un mari qui fait tout ce qu’il veut pendant quatre jours de la semaine n’a pas à se plaindre de sa fidèle épouse. »

Et deux ans plus tard, alors qu’elle est mère du fils de Narbonne – qui porte le nom de Staël – la jeune femme écrit à son ambassadeur de mari le 30 juillet 1791 pour lui proposer une sorte de contrat moral entre époux : « Mon bonheur est attaché à la douceur et à la durée de notre union. Mais je demande de l’amitié et de la liberté. Ces deux biens me sont également nécessaires : mon cœur veut l’un et mon esprit l’autre[31]. » L’année d’après, le 20 novembre 1792, elle accouche du second fils de Narbonne et a recours à une image des annales de la république romaine pour se décrire, dans un passage amusant d’une lettre à l’historien Gibbon (le 28 novembre 1792) : « je vous ai promis de vous écrire le neuvième jour. Je suis très fidèle à ce vœu dont l’accomplissement m’intéresse beaucoup plus que vous. Me voilà mère des gracques, et j’espère que mes deux fils rétabliront la liberté en France. Il y aura bien des tyrans à assassiner, mais il faut espérer que la haine et le mépris suffiront pour s’en délivrer. » Il y a quelque ironie à voir ainsi les petits-fils putatifs de Louis XV présentés comme les restaurateurs potentiels d’une liberté républicaine en France…

En amour, Staël veut la liberté mais est exigeante. De son côté, Benjamin Constant veut la transparence, mais n’arrive pas à l’appliquer à lui-même. Alors qu’il voyageait dans les Îles Britanniques en 1787, Constant écrivait à son amie Isabelle de Charrière « D’abord, pour mon père, je lui ai écrit ; je lui ai fait deux propositions très-raisonnables : l’une de me marier tout de suite ; je suis las de cette vie vagabonde ; je veux avoir un être à qui je tienne et qui tienne à moi, et avec qui j’aie d’autres rapports que ceux de la sociabilité passagère et de l’obéissance implicite. » De fait, quand il rencontre Germaine de Staël, il est séduit et mène une opération de conquête, qu’il n’aura pas grand mal à faire aboutir. Elle passe par leur rédaction d’une sorte de promesse conjointe d’être l’un à l’autre, et que vous avez pu admirer dans l’exposition. On pourrait la croire vaine : après tout, leur couple va connaître des hauts et des bas. L’un et l’autre vont épouser des tiers (alors qu’ils sont mariés au moment de se rencontrer). On se souvient que Constant n’arrive pas à se libérer de ce qu’il considère comme une forme de joug, peut-être parce que Staël est plus célèbre que lui et rend difficiles certains aspects de son quotidien. Il écrit ainsi à sa tante, la comtesse de Nassau-Chandieu : « Depuis deux ans, je suis, tout essoufflé, le char d’une femme célèbre. J’en veux une qui ne soit ni une servante ni un prodige, qui ne retrouve pas ses parents dans la cuisine et dont surtout je ne trouve pas le nom dans les journaux ». Il lui demande le silence sur cette confidence : « C’est une espèce de conspiration contre mon maître et tout en la formant, j’ai peur[32]. » En janvier 1803, dans Amélie et Germaine, Constant échafaude des projets d’avenir, sans celle à laquelle l’unit l’engagement réciproque présenté dans l’exposition : « Alors je saurai ce qui me reste à faire et pour la liberté et pour ma gloire. Et je ne serai plus ni affaibli par les imprudences politiques de Germaine ni tiraillé par une exigence qui trouble ma tête et bouleverse mes plans. » En juillet 1804, une grande année plus tard, il écrit : « je ne voulus pas perdre une occasion légitime de rompre des liens affreux, sans cependant la rendre trop malheureuse. Je résolus de sacrifier à son honneur tout, excepté ma liberté. De là la conduite qu’on a taxée tantôt de perfidie et tantôt de faiblesse. Je voulais combiner deux choses contradictoires ». Dans les faits, Constant n’arrivera à se détacher de Staël que progressivement. Même son mariage secret avec Charlotte de Hardenberg en 1808, annoncé à Germaine de Staël un an plus tard, ne rompt pas la relation passionnelle qui les unit et qui durera intensément jusqu’en 1811. Et si elle épouse elle aussi secrètement un homme plus jeune qu’elle, John Rocca, après la naissance en 1812 de « Petit Nous », elle n’en demeure pas moins proche de celui qui fut le père de sa seule fille, Albertine. Lorsque la mort de Staël est annoncée, Constant accourt, et il trace dans les jours qui suivent un bel éloge de son amie défunte. En 1829 encore, dans ses Mélanges de littérature et de politique, un chapitre est intitulé « De Madame de Staël, et de ses ouvrages ». Il reprend des éléments de textes antérieurs et témoigne de ce sentiment toujours vif d’admiration pour la femme et la penseuse.

 

La Liberté des Anglais

Corinne le rappelle : il y a un modèle historique célèbre de liberté, c’est Rome : « Rome conquit l’univers par son génie, et fut reine par la liberté. Le caractère romain s’imprima sur le monde ; et l’invasion des barbares, en détruisant l’Italie, obscurcit l’univers entier[33]. » A d’autres moments, la conjonction entre Réforme et amour de la liberté est mise en avant par Germaine de Staël et Benjamin Constant qui auront à cœur de souligner qu’une démocratie peut entraîner des dérives tyranniques alors qu’un monarque absolu comme Frédéric II de Prusse peut donner une impulsion décisive à la liberté.

Un pays cependant est associé avant tout à la liberté par Staël et Constant, c’est l’Angleterre. Bien entendu, l’admiration d’un Montesquieu ou d’un Voltaire avait déjà mis le modèle d’outre-Manche à l’honneur parmi les penseurs politiques. Staël a fait en Angleterre son premier grand voyage, auprès de ses parents. A la différence des exils ultérieurs, c’est un déplacement placé sous le signe d’une découverte souhaitée. Necker respecte le régime de la monarchie constitutionnelle comme un modèle. Suzanne Curchod est attirée par la littérature et l’esthétique du Nord, elle qui fut la première traductrice de l’Elégie dans un cimetière de campagne de Gray. La jeune Minette découvre tout cela, se passionne pour le théâtre et les libertés. De son côté, Constant a séjourné en Ecosse et y a découvert une forme de liberté, circulant à pied, s’intéressant aux religions, fréquentant l’université. « 1er octobre, je me retrouvai en France. C’est la dernière fois jusqu’ à présent que j’ai vu cette Angleterre, asile de tout ce qui est noble, séjour de bonheur, de sagesse et de liberté » écrit-il. Avant la Révolution ils sont ainsi tous deux marqués par le pays et ses institutions. Tous deux en feront l’éloge dans leurs écrits. La Grande Charte d’Angleterre garantit des libertés qui n’était pas du tout préservées sous l’Ancien Régime. Les Considérations défendent l’idée selon laquelle, depuis sa propre révolution, la Grande-Bretagne unit à l’enthousiasme et à la garantie des libertés, un esprit chevaleresque autour de la conception d’une nation unie qui regroupe toutes les classes de la société. Pour Staël, le modèle anglais fonctionne selon ses propres normes. Elle le lit comme ouvert à la pitié, sensible au malheur et capable d’entraîner l’individu non seulement à respecter les droits d’autrui, mais encore à abdiquer parfois les biens immédiats pour d’autres plus distants, et le profit personnel pour le bien commun. Le 27 février 1814 Staël l’exprime dans une lettre à Constant, évoquant le tiraillement qu’on peut ressentir en tant que citoyen : « Je sens en moi-même que j’ai raison, parce que mon émotion est involontaire et en opposition avec mes intérêts personnels. » Les sentiments ont leur place dans la politique. Il faut les connaître et les dominer. Analyser la Révolution française comme le font Staël et Constant, c’est être historien, mais aussi proposer des pistes pour une évolution future et ne jamais perdre l’occasion de mettre en avant la liberté.

Staël est une femme célèbre, auteur de Delphine (1802) et de Corinne (1807), lorsqu’elle se rend à nouveau en Angleterre en 1813. Elle en fait le but de son voyage pendant l’affreuse période des Dix Années d’exil où elle est persécutée par le régime français. Londres sera alors le lieu de la liberté d’impression pour elle, puisqu’elle y fait paraître De l’Allemagne, interdit et sauvé de justesse en France trois ans plus tôt avec une justification qui fait frémir : « ce livre n’est pas français ». Le publier dans la capitale européenne la plus opposée à Napoléon est donc un geste politique fort. Il montre que Staël refuse de céder face à la tyrannie et annonce la chute à venir de qui voudrait lui interdire de parler.

 

La Liberté en opposition

Staël et Constant ne supportent pas que la liberté soit instrumentalisée par des tyrans. Un exemple clair figure dans la lettre de Staël à Nils von Rosenstein en 1794 : « Je ne pense point que j’aie changé d’opinion en ayant en horreur aujourd’hui la révolution de France. C’est comme despotisme qu’elle me révolte, et plus j’aimais la liberté, plus je me crois le droit de haïr ces hommes qui, à l’aide de son nom, n’ont cessé de faire des découvertes dans la carrière de la tyrannie[34]. » Constant quant à lui rappelle, dans De l’esprit de conquête : « C’est au nom de la liberté qu’on nous a donné des prisons, des échafauds, des vexations innombrables : ce nom, signal de mille mesures odieuses et tyranniques, a dû réveiller la haine et l’effroi. » Staël et Constant vont découvrir une forme de liberté dans l’opposition à toute tyrannie et un lieu sera à jamais associé avec ce combat.

En effet le Château de Coppet est devenu un bastion de l’esprit libéral. Jacques Necker, dernier ministre des finances de Louis XVI, s’y réfugie après sa révocation. Germaine de Staël en fait le creuset intellectuel de l’Europe moderne au point où le lieu donne son nom à un groupe actif de penseurs, personnalités politiques, comme Constant, mais aussi théoriciens de la littérature et de l’esthétique comme Schlegel et Bonstetten ou historiens comme Sismondi. Entre théâtre de société et promenades, discussions et temps d’écriture, émergent des œuvres fondatrices d’un avenir politique qui prend la défense de la liberté pour guide. Dans De l’Allemagne, le texte fini en 1810 mais imprimé en 1813 seulement, après avoir été saisi par la police de Napoléon, Germaine de Staël explique l’un des fondements de sa pensée : « Nul homme, quelque supérieur qu’il soit, ne peut deviner ce qui se développe naturellement dans l’esprit de celui qui vit sur un autre sol et respire un autre air: on se trouvera donc bien en tous pays d’accueillir des pensées étrangères; car, dans ce genre, l’hospitalité fait toute la fortune de celui qui reçoit. » On croisera donc à Coppet Suédois et Britanniques, Allemands et Italiens, Français et Espagnols entre autres. L’amour de la liberté crée des liens au-delà des frontières selon Germaine de Staël : « d’un bout du monde à l’autre, les amis de la liberté communiquent par les lumières, comme les hommes religieux par les sentiments » Les idées fusent entre échanges et découvertes. C’est que, selon ce qu’écrit Karl Viktor von Bonstetten : « Il se dépense à Coppet plus d’esprit en un jour que dans maint pays en un an. » Staël, comme Voltaire avant elle à Ferney, tout près d’ici, inverse l’exil et en fait un pôle magnétique d’attraction des grands penseurs du temps. C’est à échelle individuelle le reflet de la pensée de Constant ou de Staël face aux apports de l’étranger.

Staël va donc consacrer une grande partie de son énergie intellectuelle à analyser et à essayer de comprendre ce qui vient de se passer : pourquoi la Révolution a-t-elle ainsi dérapé ? le but est de tirer les leçons des événements récents pour éviter qu’ils se reproduisent, mais aussi de tout faire pour parvenir à améliorer le sort des contemporains. Staël voit d’autres cas de sursauts de l’histoire. Elle est persuadée que de telles convulsions n’arrêtent pas complètement le progrès, toujours en cours. L’être humain a un choix primordial : rester passif ou s’engager. « Je ne pense pas que ce grand œuvre de la nature morale ait jamais été abandonné ; dans les périodes lumineuses, comme dans les siècles de ténèbres, la marche graduelle de l’esprit humain n’a point été interrompue. »

Il s’agit donc d’en venir à une « liberté responsable ». Lucien Jaume parle de « libéralisme du sujet » et il faut rappeler que le libéralisme de Staël et de Constant est fondé sur un engagement de l’individu et n’est pas simplement une théorie abstraite. Il est marqué par leur expérience de la Révolution. Leur vision diverge parfois. Elle croit plus que lui au magistère de la littérature, peut-être parce que c’est le seul champ d’action qui lui est acquis. Il pense, comme le montrent ses Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à la Constitution actuelle de la France (1815) que l’autorité doit être bridée et ne peut être confiée au peuple : « L’erreur de ceux qui, de bonne foi dans leur amour de la liberté, ont accordé à la souveraineté du peuple un pouvoir sans bornes, vient de la manière dont se sont formées leurs idées en politique. Ils ont vu dans l’histoire un petit nombre d’hommes, ou même un seul, en possession d’un pouvoir immense, qui faisait beaucoup de mal ; mais leur courroux s’est dirigé contre les possesseurs du pouvoir, et non contre le pouvoir même. Au lieu de le détruire, ils n’ont songé qu’à le déplacer. » Benjamin Constant voit donc dans la souveraineté du peuple ce qu’il qualifie comme « le plus terrible auxiliaire de tous les genres de despotisme. » Il écrit pendant les Cent-Jours, alors que l’avenir de la France est imprévisible et où Napoléon lui a demandé de composer l’Acte Additionnel aux Constitutions de l’Empire. Ces deux textes qui ont souvent été opposés vont dans le même sens, comme l’indique Paul Delbouille : « On reconnaît aujourd’hui que, dans les deux cas, l’auteur plaide en fait une même cause qui est celle des relations qui doivent s’établir entre un pouvoir qui renonce à être absolu et un peuple auquel on donne les moyens de s’exprimer[35]. »

Si Staël a vu confisquer De l’Allemagne lorsque, comme elle l’écrit avec un humour noir au prince de Ligne le 21 octobre 1810, « le ministre de la Police, le général Savary a envoyé ses grenadiers s’emparer de mon esprit de conversation, de ma littérature, de ma philosophie, de mon enthousiasme », il est clair justement qu’on n’a jamais pu les défaire, elle ou Constant, de leur conscience et de leur liberté de penser, ni faire à Staël, comme elle l’écrit dans Dix Années d’exil, une « prison pour [s]on âme ». C’est bien cela que désigne la liste de Staël : on peut en enlever l’expression, l’interdire de publication, mais pas la supprimer. Elle le rappelle encore dans ses Dix Années d’exil, lorsque répondant à Joseph Bonaparte qui demande ce qu’elle veut en échange d’un ralliement au régime : « Mon Dieu, répliquai-je, il ne s’agit pas de ce que je veux, mais de ce que je pense. » Staël et Constant n’ont pas voulu être des philosophes de cabinet. L’un et l’autre ont tenu à s’engager et à signer leurs engagements. Ils ont été parfois bridés par les circonstances.

 

Quelques mots pour conclure

Que Staël et Constant, qui sont tous deux Suisses, aient ainsi eu la liberté pour mot d’ordre, n’est pas surprenant. Une vision courante à l’époque fait de l’Helvétie le modèle d’un société primitive heureuse et responsable. L’image du serment du Grütli, des réjouissances comme la fête des bergers à Unspünnen à laquelle Staël assiste viennent le confirmer. Trop de liberté tue la liberté. Constant écrit : « Mais j’avais devant les yeux l’expérience de la France où j’avais été témoin de ce qu’est une révolution, et acteur assez impuissant, dans le sens d’une liberté fondée sur la justice, et je me suis bien gardé de révolutionner la Suisse. » L’un et l’autre vont en venir à admirer l’équilibre de l’Helvétie. En dépit de cela, ils sont l’un et l’autre attirés vers Paris.

Constant et Staël, dans leur rapport à la liberté, au commerce, à la recherche de l’équilibre international, sont des penseurs modernes. Constant souligne ainsi à maintes reprises que commerce et liberté sont les meilleurs remparts contre la guerre en Europe.

On peut être ami ou ennemi de la liberté ; naître dans un Etat libre encourage à connaître la liberté, mais on ne peut pas véritablement imposer la liberté : il faut la faire souhaiter et défendre par les peuples : « si Napoléon avait pris pour étendard la liberté des peuples, il aurait soulevé l’Europe sans avoir recours aux moyens de terreur » explique ainsi Staël

Souhait d’une vie paisible mais aussi engagement pour les autres, qui constitue un sacrifice de sa propre paix, animent Staël et Constant. Même au plus fort de la Révolution, Germaine de Staël écrit dans une lettre : « Liberté, fortune et amitié, voilà tout ce qu’il faut sauver. Un beau climat, de la musique, une douce réunion, voilà les seuls biens dont la France n’a pas désenchanté[36]. » Un beau climat et une douce réunion nous unissent aujourd’hui au nom de la liberté et de l’amitié. Il y a très souvent sous la plume de Staël la locution « les amis de la liberté ». Elle désigne ainsi les êtres qui pensent, qui questionnent, qui sont capables de s’investir pour les autres, pour leur éducation, pour la justice, pour l’ouverture. Il me semble donc particulièrement approprié que nous ayons été réunis ce soir au nom des « Amis de Coppet », c’est-à-dire des « amis de la liberté ».

 

Catriona Seth, FBA

Marshal Foch Professor of French Literature and Fellow of All Souls,

University of Oxford

[1] Germaine de Staël, Correspondance générale (CG), I, p. 460.

[2] Œuvres complètes de Benjamin Constant (OCBC), p. 147.

[3] OCBC, p. 151. Lettre du 30 septembre 1793

[4] Albertine-Adrienne Necker de Saussure, « Notice sur le caractère et les écrits de Mme de Staël », dans Anne-Louise-Germaine de Staël, Œuvres Complètes, Paris, 1820, t. I, p. xxxiv.

[5] Œuvres posthumes, Paris, Didot, 1838, p. 114.

[6] Corinne ou l’Italie, dans Madame de Staël, Œuvres, édition établie par Catriona Seth, avec la collaboration de Valérie Cossy, Paris, Gallimard, 2017, p. 1231.

[7] CG, t. I, p. 310.

[8] Ibid., p. 328 par exemple.

[9] Ibid.

[10] Le 17 septembre 1792, les choses paraissent être arrivées à un point critique lorsque Constant écrit à Isabelle de Charrière : « Je perds dix heures de la journée à la cour où l’on me déteste, parce qu’on me sait démocrate. »

[11] CG, II, p. 411.

[12] Ibid., p. 439.

[13] « Le silence de la nuit du 5 octobre, la douleur des fidèles amis du roi n’étaient interrompus que par l’affreux ricanement de la fille de Necker, de Madame de Staël », François-Félix de France d’Hézecques, Page à la Cour de Louis XVI, introduction, notes et glossaire par Emmanuel Bourassin, Paris, Tallandier, 1987, p. 129. La note suivante figure dans la première édition : « Telle est, en effet, l’attitude que les passions du temps prêtèrent à Madame de Staël. Combien ces allégations furent injustes, aujourd’hui tout le monde le sait. »

[14] Staël, Œuvres complètes, Paris, Didot, 1838, t. II, p. 1.

[15] Voir C. Seth, Marie-Antoinette. Anthologie et dictionnaire, 2013, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », p. 167.

[16] Ibid., p. 164.

[17] L’erreur d’orthographe sur le patronyme est parlante : Constant ne connaît pas personnellement Staël à l’époque.

[18] OCBC, p. 164.

[19] OCBC, p. 184-5.

[20] CG, t. II, p. 507.

[21] CG, t. II, p. 559.

[22] Staël, Œuvres complètes, Paris, Champion, t. I-1, p. 180.

[23] Des Effets de la Terreur, s.l., an V, p. 16.

[24] De la littérature, dans Madame de Staël, Œuvres, édition citée, p. 239.

[25] Œuvres posthumes, éd. citée, p. 204.

[26] Victorine de Chastenay, Mémoires, Paris, Plon, Nourrit et Cie, 1896, t. II, p. 445.

[27] Mémorial, Paris, Plon, Nourrit et Cie, 1896-1897, t. I, p. 158.

[28] Œuvres posthumes, éd. citée, p. 236.

[29] Ibid., p. 334.

[30] Ibid., p. 126.

[31] Lettre du 30 juillet 1791, CG, II, p. 471.

[32] Journal intime de Benjamin Constant et lettres à sa famille et à ses amis, Paris, Ollendorff, 1895, p. 292-293.

[33] Corinne, éd. citée, p. 1030.

[34] CG, II, p. 588.

[35] Germaine de Staël. Benjamin Constant. Un couple en liberté, sous la direction de Léonard Burnand, Stéphanie Genand et Catriona Seth, Paris, Perrin, 2017, p. 107.

[36] CG II, 1794 p. 538.